DES LEADERS FÉMINISTES CONDAMNENT LES ATTEINTES AUX
DROITS HUMAINS DE FEMMES MUSULMANES
Initié par l’AFAI – l’Alliance canadienne féministe pour l’action internationale

(Envoyez vos signatures de soutien à [email protected] par le 13 mars, 2015 à 17h00)

Nous soussignées, représentantes d’organisations et féministes individuelles, souhaitons exprimer notre soutien pour Zunera Ishaq et Rania El-Alloul et condamner les attaques contre leurs droits de la personne tels que garantis par les lois canadiennes et internationales.

Les droits des deux femmes à liberté de religion et à l’égalité devant et aux termes de la loi ont été enfreints. La politique illégale imposée par l’ancien ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Jason Kenney, et la décision du premier ministre Harper d’interjeter appel de la récente décision de la Cour fédérale empêchent Zunera Ishaq d’avoir accès à la citoyenneté canadienne. La décision discriminatoire de la juge provinciale du Québec Eliana Marengo prive Rania El-Alloul de son droit à un traitement égal devant le tribunal.

En juillet, le Canada fera l’objet de son examen périodique par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Le Comité évalue à intervalles réguliers la conformité de notre gouvernement quant à ses obligations aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Comité des droits de l’homme a déjà souligné diverses violations des droits humains des femmes protégés par le Pacte qui peuvent découler de règles imposées par l’État sur le type de vêtements que les femmes ont le droit de porter en public. Parmi les droits particulièrement menacés par de telles règles, le Comité inclut précisément le droit d’une femme à la liberté de religion, le droit de manifester ses croyances religieuses en public et le droit d’être traitée en égale devant les tribunaux.

Tel que relaté dans les médias, un porte-parole du premier ministre Harper a déclaré que «Si une personne ne couvre pas son visage, nous croyons qu’elle devrait être autorisée à témoigner». Nous rejetons catégoriquement la présomption implicite dans cette déclaration qu’il revient au premier ministre du Canada de dicter aux femmes du pays quels sont les pièces de vêtements religieux qu’elles peuvent ou non porter.

Les féministes comprennent très bien que le patriarcat demande aux femmes et les persuade, selon différentes religions et cultures, de couvrir ou découvrir leur corps, ou des parties de leur corps. Nous ne sommes pas toutes d’accord sur les implications pour l’égalité de tels diktats. Mais nous avons certainement besoin de contrôler nos propres corps, y compris ce que nous portons, plutôt que d’y être contraintes par des leaders politiques, et d’être punies en perdant l’accès à nos droits de la personne.

Dans son jugement du 6 février 2015, la Cour fédérale a déclaré que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration de l’époque, Jason Kenney, avait illégalement imposé aux juges de la citoyenneté une politique qui entre en conflit avec leur devoir de laisser la plus grande liberté de religion possible aux candidats à la citoyenneté lors de la prestation de leur serment. En plus de la gravité des gestes posés par Jason Kenney, nous sommes également perturbées par les réactions du premier ministre Stephen Harper, de l’actuel ministre de la citoyenneté Chris Alexander et du leader du Bloc Québécois Mario Beaulieu par suite de l’annonce de la décision de la Cour fédérale.

Dans la foulée des tactiques discréditées du Parti Québécois, ces politiciens tentent de mobiliser du soutien pour leurs programmes politiques en attisant les flammes de la peur et des préjugés contre les femmes musulmanes et les hommes musulmans. Ce comportement pose un risque grave à notre démocratie et aux droits des membres de la société canadienne. L’histoire nous a appris que l’érosion de nos libertés et de nos droits fondamentaux commence toujours par des attaques contre les minorités les plus vulnérables.

En réalité, avec le projet de loi C-51 nous sommes témoins de la vitesse avec laquelle le cercle des personnes dont les droits sont menacés s’élargit. Les dispositions de ce projet de loi ont été largement critiquées par des spécialistes en matière de droits civils et politiques, d’ex-juges de la Cour suprême du Canada et par quatre anciens premier ministres qui ont affirmé qu’elles accordaient des pouvoirs mal définis, étendus, arbitraires et échappant à tout contrôle au ministère de la Sécurité publique du Canada.

Nous soutenons la plainte de Raniaa El-Alloul contre la juge Eliana Marengo devant le Conseil de la magistrature du Québec et nous nous attendons à ce que le Conseil discipline la juge.

Nous demandons au premier ministre Harper de laisser tomber son appel de la décision de la Cour fédérale et de restaurer les accommodements qui permettaient à toutes les femmes musulmanes de prêter le serment de citoyenneté en accord avec leurs croyances religieuses avant la décision politique illégale de Jason Kenney prise en décembre 2011.

Nous exhortons également toute la société canadienne à rejeter les efforts de politiciens désespérés visant à créer un fossé entre les musulmans et les non-musulmans au Canada en fonction de critères religieux et ethniques pour tenter de redorer leurs blasons politiques. Si nous échouons à mettre un terme à ces manœuvres, nous allons très bientôt nous réveiller dans un Canada que nous aurons du mal à reconnaître.